Retour sur le continent
On entre à nouveau à Cochin, en Inde, revenant des Laquedives, îles indiennes, je vous le rappelle. Surprise! Il nous faut refaire toutes les démarches administratives d’entrée, comme si nous arrivions d’un pays étranger : visite des autorités du port à bord d’Alero, puis celle de la douane, et la tournée des différents bureaux avec paiement de 440 roupies. C’était pourtant ces mêmes autorités qui nous avaient accordé la permission d’aller visiter les Laquedives 15 jours plus tôt… Sainte Paperasse, quand tu nous tiens…
On est revenus juste à temps pour célébrer la nouvelle année avec la famille des navigateurs mouillés ici. Nous sommes 14 à nous rendre au Bolgati Palace pour l’événement. On ne sautera pas bien haut, car la musique est trop forte et fastidieuse, le buffet très ordinaire, les décorations de circonstance minimales. Tout ça pour un fort prix. Cinq minutes après minuit, la moitié des nôtres retournent à leur bateau et « manquent » le mini feu d’artifice. Les gens de la place devaient le savoir, eux, puisque la moitié des tables étaient demeurées inoccupées.
Un homme en pirogue accoste Alero et me lance : « Happy New Year 50 roupies! ». La semaine dernière, il s’était essayé avec : « Happy Christmas 100 roupies! ». Comme ça n’avait pas marché, il a baissé son prix aujourd’hui, mais sans plus de succès. Justement, nous partons bientôt pour une dizaine de jours dans le Tamilnadu et comme à chaque incursion en terre nous serons continuellement sollicités. Nous nous sommes aguerris et ne donnons maintenant qu’aux personnes âgées et aux grands handicapés.
Si un jour vous visitez l’Inde, après l’Himalaya, le Rajasthan, Agra (le Tag Mahal), Vârânasî (le Gange) et autres classiques, pensez à mettre le Tamilnadu à votre programme de visite. Vous serez à nouveau dépaysé. Vous y découvrirez d’immenses temples originaux, toujours fréquentés par des milliers de pèlerins vêtus en fonction du ou des dieux qu’ils vénèrent. Sur des dizaines de kilomètres, vous marcherez dans des plantations de thé d’une beauté à couper le souffle. Vous vous ferez masser, vous mangerez probablement avec vos doigts et vous aurez eu la sagesse de préalablement glisser une petite provision de papier hygiénique dans vos légers bagages…
De retour à Cochin, on a la surprise d’y voir une vingtaine de bateaux au mouillage. Ils se sont rassemblés ici pour entreprendre ensemble le périple qui les mènera ou ramènera en Méditerranée avec la troisième édition du rallye Vasco da Gama. Jean-Louis s’embarquera sur Mailis comme équipier jusqu’à Panjim, 400 milles plus au nord, pendant que Denise ira faire une visite au Canada.
Les Maldives
Au retour de Denise, Alero est prêt pour un nouveau départ. Alero, notre véhicule et notre demeure, aura passé trois mois à Cochin, parfois seul à attendre notre retour d’exploration du sud de l’Inde. Nous avons maintenant décidé d’aller visiter les Maldives au sud-ouest, avant de naviguer vers la Thaïlande et la Malaisie, à plus de 1500 milles à l’est. Nous éviterons le Sri Lanka en guerre civile.
On atteint la mer en empruntant le chenal qui sépare Cochin de Bolgati. À bâbord, on longe les fameux filets japonais que plus d’une fois nous étions allés voir fonctionner. Un système de balancier cale et fait remonter un filet d’une centaine de mètres carrés, tendu aux quatre extrémités. On le cale et laisse reposer au fond pendant cinq ou dix minutes, puis on le remonte par un système de balancier. Des poissons y gigotent presque à chaque pêche. Simple et efficace.
Et l’on est enfin à nouveau dans l’eau turquoise, claire, transparente. L’air est parfumé d’algues et de sel. Trois jours de voile tranquille et nous apercevons l’île la plus au nord des Maldives, Uligam. « Déjà vu… », murmure Denise. Bien sûr, rien ne ressemble plus à une île qu’une autre île, surtout quand on vient de visiter les Laquedives qui sont de la même chaîne. Eaux pures aux couleurs variées selon le fond, île plate de sable sans aucun relief mais couverte de verdure. La végétation est cependant quelque peu différente : moins de cocotiers et plus de ces magnifiques arbres à pain. On a le temps de se baigner avant que n’arrivent les autorités des îles. Ils ont pris un peu plus de temps à venir, mais ils arrivent en force : ils sont sept! Douane, immigration, santé, deux militaires, un représentant du port (quel port?) et le pilote. Chacun pose ses questions en même temps que les autres et tend ses formulaires à remplir. On ne fait pas que nous donner les règlements des Maldives, mais on nous oblige à les lire devant eux.
Grands changements depuis le mois passé, mois pendant lequel un bateau français que l’on connaît très bien s’est arrêté ici en promettant de payer son dû dans la capitale, mais qui a filé à l’anglaise après avoir sillonné les îles. Les autorités nous racontent cette histoire qu’on fait semblant de ne pas savoir. On paie maintenant dès la première île le permis de navigation, soit 500 $ pour 30 jours. De plus, il faut soumettre aux autorités de Malé, la capitale, la liste des îles qu’on veut visiter. Les 30 jours commencent avec celui de notre arrivée, mais la réponse de la capitale peut prendre de trois à cinq jours à venir. Si certaines îles sont refusées, on peut en soumettre d’autres, ce qui prendra…. Devant un accueil aussi invitant, notre décision est vite prise. Nous ne visiterons pas les Maldives. Lynn Rival (Paul et Rachel), qui est arrivé la veille, ne le fera pas non plus d’ailleurs. On débourse quelques dollars pour pouvoir rester au mouillage un maximum de trois jours. Poursuivre notre route ne sera pas compliqué puisque toutes nos provisions sont faites depuis l’Inde. Le seul hic pour nous est qu’il aurait mieux valu être au sud des Maldives pour entreprendre la route de la Thaïlande. Théoriquement, tout au moins, les vents auraient été plus favorables.
Vers les Seychelles
Dans le cockpit d’Alero, Paul et Rachel nous annoncent qu’ils ne vont plus aux Chagos, mais se dirigent vers les Seychelles. Ils nous font la démonstration que les vents sont favorables pour s’y rendre et nous incitent à continuer avec eux vers ces îles du « paradis » à moins de 1000 milles. On avait déjà envisagé ce parcours il y a plusieurs mois, mais on avait finalement opté pour continuer vers l’est. On pèse les pour et les contre… Certains des guides touristiques et nautiques que nous nous étions procurés (Rodrigues et Dominique, Réunion, Madagascar, Tanzanie, Kenya) serviraient alors. Mais la motivation principale est sans doute qu’on s’entend bien avec nos sympathiques amis.
Nouveau cap vers les Seychelles; 1461 milles en fait. Pendant les premières heures, Éole nous fait croire qu’il sera avec nous pour ce périple. Mais il se calme vite et nous oblige à faire tourner le moteur pendant 24 heures. Puis, un souffle léger, si léger qu’il nous fait faire de 1 à 1,3 nœud, nous permet de calculer qu’à cette vitesse on atteindra les Seychelles dans plus ou moins 100 jours… On se donne donc jusqu’au lendemain midi pour décider si nous continuons ou si nous retournons vers les Maldives et la Malaisie. Ce lendemain, Lynn Rival n’est plus visible à l’horizon. Paul et Rachel ont fait tourner le moteur depuis le départ. Ils ont un peu de vent et hissent leur tout nouveau geneker. Trente minutes plus tard, on commence également à sentir le vent et on monte graduellement à trois et quatre nœuds. On continue donc vers les Seychelles. Nous avons maintenant le vent par-derrière. Le gréement d’Alero ne permet pas d’utiliser facilement un tangon tout en déployant totalement le génois. Par radio, Rachel nous dit : « Nous, on ne l’a jamais fait, mais on a déjà vu quelques bateaux qui utilisaient leur bôme en guise de tangon. » On étudie la chose. On avait déjà fixé une cadène (U bolt) à l’extrémité de la bôme dans le but d’y installer une retenue. On utilise donc cette installation pour déployer et tendre le génois, ce qui apporte une accélération certaine du bateau et permet à la toile de faseyer moins souvent, moins violemment quand Éole souffle à cinq nœuds ou plus. Nette amélioration alors. Mais légère brise, bise, calme plat, houle sans vent se succèdent pendant plusieurs jours. Ça n’est jamais le fort vent comme son absence qui est épuisant et tombe sur les nerfs en navigation, surtout quand il y a roulis perpétuel. Les six premiers jours, nous n’aurons fait que 464 milles.
Malgré tout, l’équipage garde un bon moral. Et c’est la fête! À 19 h 20, le bal commence dans le ciel, éclair sur éclair. Lorsque Denise termine son quart, elle est plus que contente, car elle se dit que dans trois heures, quand son tour de garde reviendra, tout ça sera du passé. Surprise! D’abord, elle dort peu, car il fait trop clair et ça claque très fort. Pour elle et pour moi, la fête continue de plus belle. Oui, c’est vrai, c’est aujourd’hui notre anniversaire de mariage, mais vous exagérez là-haut! Pendant plus de huit heures trente minutes, nous avons droit à des éclairs sans arrêt. On peut rarement compter huit secondes sans en avoir un. Plusieurs tombent dru dans l’eau tout autour. On a coupé le courant et les fusibles, mis un GPS et l’ordinateur dans le four (principe de la cage de Faraday), chaussé nos bottes et nos gants de caoutchouc. Le party a finalement pris fin sans causer de dégât pour nous. Nous étions pourtant l’élément le plus haut à des milles à la ronde… L’orage électrique est ce que nous craignons plus que tout en mer parce qu’il n’y a rien à y faire, contrairement au gros temps, par exemple, avec lequel nous pouvons toujours composer.
Deux autres événements dans ce passage sont dignes de mention. Le lendemain du fameux feu d’artifice, les deux lignes qui traînent offrent en même temps de la résistance. Une magnifique dorade de 76 cm et ce qu’on croit être un thon de sept ou huit kilos, sont montés à bord. On garde le meilleur. On remet le thon à l’eau. Mais la chose la plus extraordinaire est que de chaque côté du bateau des centaines de poissons des mêmes espèces longent notre coque. C’est de toute beauté! On voit très bien leurs couleurs dans cette eau limpide. C’est la toute première fois qu’on assiste à un tel phénomène. L’autre fait est que nous ayons traversé la ligne virtuelle de l’Équateur, 00*00’000 a marqué notre GPS. On n’avait jamais envisagé de faire un tel passage. C’est un peu comme passer du 31 décembre au premier janvier ou encore atteindre une nouvelle année de notre vie, finalement. Pas de panneau indicateur ni de ligne sur l’eau. Nous sommes cependant conscients d’être passés dans l’hémisphère Sud et ça nous fait un petit quelque chose de nous savoir rendus là après presque sept ans de bourlingage dans l’hémisphère Nord. Nous sommes maintenant dans les eaux nationales des Seychelles. Victoria est à peine à 36 heures d’ici. On se considère arrivés, ou presque, dans ce paradis que tout le monde rêve de visiter un jour. Paradis? Nous verrons très bientôt.
Comment se servir de la bôme en guise de tangon
Il faut d’abord poser une cadène (U bolt) à l’extrémité de la bôme. On peut alors y enfiler directement l’écoute de génois, mais il vaut beaucoup mieux d’abord saisir une poulie ouvrante sur la nouvelle cadène. Cela permet de réagir beaucoup plus rapidement en cas d’urgence ou lorsqu’il faut changer le génois de bord. De plus, la poulie évite le frottement et la résistance.
Après avoir fait passer l’écoute dans la poulie, vous poussez la bôme jusqu’au bas hauban arrière, puis vous la ramenez quelque peu avec l’écoute de grand-voile. La bôme ne doit jamais former de pression sur le bas hauban. Vous bordez le génois et le tour est joué. Le point d’écoute du génois est alors beaucoup plus déployé vers l’extérieur, ce qui donne une meilleure surface de toile. De plus, avec cette installation, vous pouvez prendre le vent à 160 degrés et plus. Par vent trois quarts arrière ou plus, l’utilisation de la grand-voile est à proscrire. Elle ne ferait que déventer le génois. Une retenue de bôme n’est alors peut-être pas absolument essentielle, car la bôme va plutôt chercher à revenir vers le cockpit plutôt que d’avancer. Une bonne retenue évitera cependant ce désagrément. Bons vents!
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